top of page

Désir et vieillissement : repenser la sexualité au fil du temps

  • Photo du rédacteur: Maud Gorsen
    Maud Gorsen
  • 10 nov.
  • 5 min de lecture

Le vieillissement ne marque pas la fin de la sexualité, mais la possibilité d’une redéfinition du plaisir et de l’intimité à travers les changements du corps.


ree

Quand on pense au vieillissement, on imagine volontiers la retraite, les cheveux blancs, les habitudes bien ancrées; parfois même à ce « vieux couple » qui partage le quotidien plus que l’intimité. On évoque beaucoup moins le désir, le plaisir charnel, la curiosité érotique ou la redécouverte de son corps. Pourtant, vieillir ne signifie ni la fin du désir ni la fermeture du champ des possibles. Au contraire : pour beaucoup, l’avancée en âge devient le moment où la sexualité se transforme, se redéfinit.

Plusieurs recherches le démontrent:  le vieillissement peut libérer des normes et des scripts sexuels intériorisés pendant des décennies. Autrement dit : avec l’âge, le désir n’est pas condamné à s’éteindre, il peut même se déployer autrement plus lentement, plus librement, voire plus intensément. Ce peut être une invitation à  explorer autrement, à déplacer la norme du « faire » vers le « ressentir ».

Le poids des représentations : quand l’âgisme touche aussi l’intime

L’idée selon laquelle la sexualité concernerait « que les jeunes » est très ancrée dans notre société. Passé un certain âge, le désir serait gênant, presque déplacé; comme si les corps vieillissants perdaient leur légitimité sexuelle. Ce regard social produit du silence, de la honte ainsi qu’ un sentiment d’invisibilité. C’est une forme d’âgisme, au même titre que les préjugés sur les capacités cognitives ou sur l’autonomie. 

La culture occidentale dominante associe encore la sexualité à la performance et la reproduction. De nombreux éléments qui sortent de ce cadre - lenteur, tendresse, sexualité sans pénétration, plaisir sans orgasme - sont discrédités. Par manque de représentation, certaines personnes âgées finissent par croire que leur désir n’a plus de place. 

Le corps change, le désir non (ou pas de la même manière)

C’est un fait : vieillir implique des changements physiologiques. Ces transformations peuvent toucher : la ménopause, baisse de lubrification, modification de l’élasticité vaginale, réajustements hormonaux influençant désir et orgasme, les érections moins fermes ou plus lentes, modulation de la sensibilité, modification de l’éjaculation, diminution de l’endurance, effets secondaires médicamenteux, présence de maladies chroniques, rythme plus lent, etc. 

Cela ne signifie toutefois pas la fin de la sexualité. Les données le confirment : selon une vaste étude américaine portant sur la sexualité des adultes âgés, 73 % des personnes de 57 à 64 ans et 53 % des personnes de 65 à 74 ans se déclarent sexuellement actives (Lindau et al., 2007). On est loin du mythe de l’extinction du désir après 60 ans…

Et si la sexualité optimale arrivait… après 50 ans ?

Pourtant, plusieurs recherches montrent que la sexualité peut devenir plus approfondie, consciente et qualitative avec le temps. Kleinplatz et Ménard (2020) ont mené une étude sur sept ans auprès de 75 personnes qualifiées d’amants extraordinaires. Leur constat : la plupart d’entre elles n’ont connu une sexualité « magnifique », authentique, connectée à soi et à l’autre, qu’à partir de la quarantaine ou de la cinquantaine. Pourquoi ? Parce qu’il a fallu désapprendre ce qu’on croit savoir du sexe - performance, rôle, automatisme -  pour laisser place à une intimité plus existentielle, vulnérable et libre. Ce n’est donc pas le corps jeune qui permet une meilleure sexualité, mais la capacité à être dans le ressenti et la curiosité.

S’adapter, se réinventer, oser

On l’a dit : si le corps change, la sexualité ne disparaît pas; elle se transforme. Ce que montrent les recherches sur la sexualité dite « optimale », c’est qu’elle ne dépend ni de l’âge, ni de la performance, mais plutôt de la qualité de présence au moment vécu. Les personnes qui, après 50 ans, décrivent leurs relations sexuelles comme profondément satisfaisantes parlent d’abord d’incarnation. C’est-à-dire être vraiment dans son corps, dans ses sensations, sans se juger. Elles évoquent aussi cette capacité à être totalement absorbées par l’instant érotique, comme si le temps ralentissait.

Dans ces expériences, la connexion avec l’autre n’est pas seulement physique. Elle permet une synchronisation, une fusion temporaire ainsi qu’une forme de présence commune. La sexualité optimale s’appuie sur une intimité émotionnelle et érotique forte, nourrie par une communication empathique par la parole, mais aussi par le toucher, les micro-gestes et le regard. Elle implique aussi l'authenticité et l’abandon des  rôles normatifs. 

Vieillir peut faciliter cela : on a moins besoin d’être dans la performance. Cela encourage la vulnérabilité, l’abandon, le risque relationnel (nommer ses besoins, craintes et fantasmes). 


C'est ici que la sexualité peut devenir plus qu’un acte : elle peut constituer un espace de transformation personnelle, presque de transcendance, d’où l’on ressort différent·e et nourri·e.

Concrètement, continuer à s’épanouir sexuellement en vieillissant passe aussi par des adaptations quotidiennes: 

  • Prendre conscience des changements : accepter que le corps ne réagisse pas « comme avant ». Ce n’est pas une perte, mais une transition.

  • Adapter les pratiques : lubrifiants pour la sécheresse, jouets ou dispositifs médicaux au besoin, positions plus confortables pour les articulations, plus de coussins, rythme plus lent, pauses possibles.

  • Redéfinir la sexualité : sortir du modèle pénétration-orgasme, explorer le toucher, les zones érogènes oubliées, les caresses, les massages, les jeux sensoriels.

  • Soutenir la santé globale : sommeil adéquat, activité physique adaptée, alimentation saine, gestion des effets secondaires des médicaments.

  • Créer les conditions du plaisir : choisir le bon moment de la journée (quand le corps est moins fatigué), privilégier un environnement calme, chaud, sécurisant.

  • Parler : avec le ou la partenaire, mais aussi avec des professionnel·les de la santé si nécessaire (sécheresse, douleurs, dysfonctions érectiles, etc., sont traitables).

Avancer en âge et désirer : un continuum


Vieillir ne signifie pas s’éteindre. La sexualité ne disparaît pas, elle se déplace. Elle se dépouille de certaines injonctions, s’affine, se relie davantage à l’intimité, au sens. Continuer de désirer à 60, 70 ou 80 ans, ce n’est pas « résister à l’âge » : c’est rester vivant. Vieillir sexuellement, c’est accepter de rester dans l’apprentissage. On peut le voir comme une invitation à la curiosité, à la tendresse envers soi et envers l’autre ainsi qu’à la possibilité d’un plaisir qui ne se compare pas, mais qui se ressent. Et c’est peut-être là, précisément, où le désir trouve toute sa force.


Par Maud Gorsen, stagiaire au baccalauréat en sexologie  

Édité par Myriam Daguzan Bernier, sexologue B.A.


Sources :


KLEINPLATZ, P. J. & MÉNARD, A. D. (2020). Magnificent Sex: Lessons from Extraordinary Lovers. Londres : Routledge.

Lindau, S. T., Schumm, L. P., Laumann, E. O., Levinson, W., O’Muircheartaigh, C. A., & Waite, L. J. (2007). A study of sexuality and health among older adults in the United States. The New England Journal of Medicine, 357(8), 762-774. https://doi.org/10.1056/NEJMoa067423



Commentaires


© 2016 Clinique Accès-Sexologie S.E.N.C.

NB. Le genre féminin est utilisé au sens
neutre  et  désigne toutes les personnes.

Notre équipe fait confiance à:                                          

Vous vivez des difficultés spécifiques?

Pour savoir quel.le. professionnel.le. pourrait être le plus adapté pour vous aider, communiquez avec nous!

Lockup-Color.png
bottom of page